vendredi 3 août 2012

sandeq

Mercredi 18 juillet 2012. En France. A Brest.

Tonnerres de Brest, c'est impressionnant. De somptueuses unités venues de tous horizons et de toutes époques se rassemblent, le temps cette grande fête maritime bien connue des passionnés, de Bretagne et d'ailleurs.

c'est ainsi que les marins sont devenus d'excellents plieurs de housses de couettes.
Des milliers de personnes viennent ici voir les vieux gréements et rêver d'histoires de pirates et de chasses au trésor. Mais que me pardonnent mon aïeul le Capitaine Crochet et ses copains pirates, ce mercredi 18 juillet, c'est pour voir une toute autre sorte d'embarcation que je me suis rendue à Brest. Aujourd'hui, l'Indonésie, invitée d'honneur, fait naviguer ses bateaux en bambou et je ne pouvais pas manquer cela. Dans le port bondé, il y a un espace dédié à l'Indonésie. Bienvenue parmi les bateaux de pêche à la forme cousine de TaraTari!

l'Indonésie aux Tonnerres de Brest 2012
Un homme est assis là, sur une natte tressée. Il ne semble pas voir le regard des nombreux badauds. Il peint un batik. Au Burkina Faso ou encore en Birmanie, j'avais rencontré des hommes et des femmes qui peignaient des batiks de la même manière. Les méthodes voyagent et se transmettent.

Le batik indonésien est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco
Devant ce peintre. Quelques maquettes de bateaux colorés. Nous discutons un peu. De Sumatra à Papua en passant par Java, Bali, les îles de la Sonde et celles de Nusa Tangara, Sulawesi et Bornéo, et les Moluques, toutes les régions sont ici représentées par leurs différents bateaux.


Et alors que j'observe les maquettes en bois, un petit groupe d'hommes parle dans un langage que je ne comprends pas. Ces hommes sont des marins Indonésiens, que l'on appelle Mandar. Ils semblent un peu nerveux. Il faut dire que d'ici une heure, ils vont naviguer... Il y a 20 noeuds de vent et c'est la première fois que leurs bateaux sont en Europe (ils ont fait la route en cargo). Je m'approche du bassin. Trois immenses et fines libellules blanches en bambou y sont amarrées, ce sont les Sandeqs.

aux Tonnerres de Brest 2012
Avec une coque de 12 à 13 mètres, une bôme de 16 mètres et un double balancier de bois et bambou, ces voiliers étaient traditionnellement conçus pour la pêche rapide aux poissons-volants (dont les œufs oranges remplissent les sushis). Les Sandeqs sont coupés dans la forêt équatoriale lors de cérémonies émouvantes où il est question du respect de la nature. Ils sont peints entièrement en blanc pour conjurer les mauvais esprits de la mer. Ils filent vite sous le vent, à bord des Sandeqs, naviguer est une prouesse d'équilibriste pour les 8 marins du bord. Maintenant, en Indonésie, on fait beaucoup de régates à bord des Sandeqs. J'ai hâte de les voir sur l'eau!


Le mât, la bôme et les balanciers sont en bambou, la coque centrale en bois. Pas de strat, tout est relié grâce à d'épais cordages! L'assemblage est surprenant.
Il est 18h, les grands voiles en coton sont hissées: Sublime démonstration du potentiel de voiliers construits avec des matériaux écologiques. Quelle puissance! Et quel talent, ces marins!

Quand on parlait de marins-équilibristes!   ©Isabelle Magois

Fascinant! Mais pour ce rendre compte du talent de ces marins-équilibristes, le mieux serait peut-être encore d'embarquer... ça vous dit? Les Tonnerres de Brest ont bien fait les choses, voici quelques images époustouflantes! Allez, à bord, tout le monde! on part régater en Indonésie: et vous verrez, c'est plutôt sportif, la pêche aux petits oeufs des sushis!




A bord de TaraTari, il y a un super tangon en bambou qui tient bon depuis... le Bangladesh! Le bambou est un matériau très résistant quand il est de bonne qualité. Et celui-ci ne fait pas semblant d'être robuste!

Quand le jute et le bambou naviguent au portant, en Atlantique
Les bambous sont des plantes monocotylédones appartenant à la famille des roseaux. Ils constituent la sous-famille des Bambusoideae qui compte environ 80 genres et plus de 1200 espèces. Le tronc du bambou est souvent utilisé pour sa résistance et sa légèreté. Exemple marquant: le bambou sert pour les échafaudages de gratte-ciel, et notamment pour certains des plus hauts du monde: ceux du Two International Finance Center (416m) et Central Plaza (374m) de Hong Kong, la Jin Mao Tower (421m) de Shangai et bien d'autres encore ont notamment utilisé ce matériau.

Echafaudages en bambou, en Chine.
Et au delà de sa résistance, le bambou a la bonne idée d'être propre: il peut fixer 30% de plus de CO2 que les arbres feuillus, jusqu'à 12 tonnes de C02/ha/an (3 tonnes pour une forêt de feuillus). Il libère donc 30% d'oxygène de plus que des arbres! De plus en plus de constructions se font en bambou. L'architecte colombien Simon Velez est reconnu comme étant le plus grand spécialiste des constructions en bambou. A Cartagena en Colombie, il a par exemple construit une sorte d'immense cathédrale au bord de l'eau. Un projet qu'il a nommé "Church without religion":

Simon Velez a construit plus de 250 édifices en bambou!
Ajay Khanna, architecte Indien, suit le même chemin, apprend auprès de Simon Velez, et parcourt le monde pour parler "bambou" dans les universités. Et ce qui ne gâche rien à l'affaire, il ajoute une petite volonté de rester dans le 'low cost' dans le process' de construction. En Europe, nous n'avons ni le bon bambou, ni la méthode, les échafaudages en bambou dans les rues de Paris, ce n'est pas donc pour tout de suite. Cependant, dans le cadre d'une utilisation du bambou dans la construction comme matériel écologiquement performant, une équipe hollandaise a comparé l'empreinte écologique de l'acier, du béton, du bois local et exotique, et du bambou (importé du Costa Rica) pour des constructions aux Pays-Bas. C'est celle du bambou s'est révélée être la moins importante. Good news. Certains se bougent et trouvent des solutions locales plus respectueuses de l'environnement, plus propres pour notre chère planète malade. Les choses avancent, il faut que cela se sache et que l'on continue :)

aux Tonnerres de Brest 2012
Retour au bassin Indonésien. Temps d'observation et de rencontres. S'inspirer des astuces traditionnelles venues d'ailleurs. Dans mon carnet je note, gribouille quelques schémas. Je me dis aussi que je devrais peut-être remplacer mon harmonica par une version bambou plus écologique que l'on m'avait offert au Pérou....

- harmonica écolo -
A croire que bambou marche pour tout.

Bravo aux Tonnerres de Brest pour cette super initiative, voir les Sandeqs, les praos et tout ce bambou naviguer en Bretagne, c'est magique! Comme pour les peintres de batiks, il faut que les méthodes voyagent et se transmettent, tout en respectant le savoir faire traditionnel local et l'écosystème de chaque endroit.

Enfin, j'en profite pour encourager Gabriel Lerebours, un petit jeune en action qui aime le bambou et les bateaux et qui a un grand talent: celui de vouloir être porteur de solutions. Longue vie à ton projet, Gabriel!

A bientôt!
Capucine


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